Précédée d’une veillée funèbre devant un cénotaphe – un grand cercueil vide en plâtre doré dédié « À nos morts » et placé sous l’Arc de Triomphe – la journée du 14 juillet 1919 exalte le triomphe de la nation. C’est la plus importante cérémonie de l’après-guerre, une « apothéose » selon les titres du Petit Parisien ou du Temps. Dans un Paris pavoisé par les autorités et les particuliers, le défilé met en scène une France à la fois victorieuse et éprouvée et fait de ce jour un moment de liesse et de recueillement.
Après un nouvel hommage aux morts, le défilé commence devant une foule considérable – outre les Parisiens, plus de deux millions de personnes auraient alors été présents dans la capitale. Aux premiers rangs du cortège défilent un millier de mutilés, certains en civil. « Leur uniforme, c’est de ne pas être complets » écrit Robert de Flers dans Le Figaro. Ils sont suivis par les maréchaux Foch et Joffre et les généraux Weygand et Belin. Viennent ensuite les armées alliées conduites par leurs chefs. Enfin, la parade militaire se termine par les troupes françaises, avec à leur tête le maréchal Pétain et les généraux de Castelnau et Berdoulet. Les corps d’armée défilent avec leurs emblèmes. La marche se ferme avec les automitrailleuses et les chars d’assaut qui donnent à admirer la puissance de feu française. Mais ce sont surtout les soldats, les poilus, en descendant les Champs-Élysées, qui sont acclamés. « Tels ils étaient lors du grand départ, tels ils sont lors du grand retour. Ils disaient : ‘On les aura’. Ils disent : ‘ On les a eus’ ». C’est l’union sacrée de 1914, revivifiée par l’allégresse de la victoire que Le Figaro décrit et que la foule célèbre.
Il y a pourtant quelques voix dissonantes : celle des socialistes, qui dénoncent tout à la fois le caractère militariste de la parade et l’indécence de la fête face au nombre de morts, et face aux problèmes sociaux de l’après-guerre ; celle des catholiques qui regrettent notamment le caractère laïque des cérémonies.
Pour en savoir plus : Annette Becker, « Du 14 juillet 1919 au 11 novembre 1920, mort où est ta victoire ? », in Vingtième siècle, n°49, janvier-mars 1996, p. 31-34.